Intel fait la une de l’actualité technologique et boursière en plein d'août avec une série d'épisodes et de revirements de de l'administration Trump. Après avoir demandé la démission de son CEO Lip-Bu Tan pour ses liens supposés avec des entreprises chinoises puis l'avoir trouvé formidable après l'avoir rencontré en personne, une nouvelle péripétie se prépare peut-être.

Au cœur d’un projet inédit, l’administration Trump discute d’une possible entrée au capital de l'entreprise américaine, une démarche marquant un virage stratégique pour la politique industrielle des États-Unis.

Ce sujet agite les marchés financiers, fait bondir l’action Intel de près de 9%, et suscite de nombreuses interrogations sur les motivations, les conséquences et le contexte de cette opération.

Une intervention directe de l’État : vers une nouvelle ère industrielle ?

L’investissement envisagé par le gouvernement ne se limite pas à un simple soutien financier. Il s’agit d’une prise de participation directe, inédite pour un géant américain du secteur privé.

Les précédentes administrations privilégiaient des subventions ou des crédits, mais cette fois, la Maison Blanche pourrait devenir actionnaire « à part entière » d’Intel. 

Ce virage peut s’expliquer par le rôle central des puces, aujourd’hui indispensables à la défense, à l’industrie et au numérique. Intel reste le seul fabricant capable de produire des semi-conducteurs avancés sur le sol américain, alors que la construction de ses nouvelles usines en Ohio accuse de lourds retards.

Cette alliance public-privé pourrait, selon certains analystes, « brouiller la frontière entre État et industrie » et introduire de nouveaux critères de gouvernance, tout en redéfinissant le rôle du secteur privé dans la souveraineté technologique américaine.

Souveraineté et sécurité nationale prennent ainsi une place centrale dans le débat, même si on a pu voir que ces notions peuvent céder du terrain face aux pressions ou opportunités commerciales.

Intel en crise : une dynamique à l’arrêt et une refonte nécessaire

L'année écoulée a été particulièrement difficile pour Intel. L’entreprise a perdu 60% de sa valeur en Bourse sur 2024, soit la plus forte chute de son histoire, alors que ses rivaux asiatiques progressaient. Le secteur de l'intelligence artificielle, dominé par Nvidia et AMD, a échappé à Intel, tout comme le marché des puces pour l’automobile et l’électronique grand public. Malgré un rebond de 19% depuis le début de 2025, le retard sur les clients majeurs reste criant.

Dernièrement, le nouveau dirigeant, Lip-Bu Tan, nommé à la place de Pat Gelsinger, a dû prendre des décisions radicales : réduction des effectifs de 15% pour stabiliser la trésorerie, report (et depuis, abandon) des projets d’usines en Allemagne et en Pologne, et ralentissement des investissements dans l’Ohio. 

Tensions au sommet : entre pressions politiques et stratégie industrielle

Le contexte politique a exacerbé la situation d’Intel. La nomination de Lip-Bu Tan n’a pas fait l’unanimité, du fait de ses anciens investissements dans des entreprises chinoises jugées sensibles, soulevant des inquiétudes autour de la sécurité nationale.

Donald Trump lui-même a exigé sa démission début août, avant de retourner sa veste après une rencontre à la Maison Blanche, saluant la « success story incroyable » du dirigeant.

Cette volte-face intervient quelques jours après qu’un sénateur a mis en doute « l’intégrité de la direction », selon la presse américaine. « Nous sommes impatients de poursuivre notre collaboration avec l’administration Trump pour renforcer le leadership technologique et industriel des États-Unis, mais nous ne commenterons pas les spéculations », a déclaré le porte-parole d’Intel après la réunion.

Un signe que les négociations restent ouvertes, mais que l’entreprise attend encore une clarification des intentions gouvernementales et du niveau de prise de participation.

Quelles conséquences pour le secteur des semi-conducteurs ?

Ce projet de prise de participation intervient dans un moment de transition pour l’ensemble de la filière mondiale des semi-conducteurs. TSMC et Samsung continuent d’investir massivement aux États-Unis, tandis que le gouvernement a introduit une taxe de 15% sur les ventes de puces Nvidia et AMD à la Chine pour restreindre certaines exportations technologiques stratégiques.

En parallèle, l’administration Trump a accéléré les initiatives de relocalisation industrielle en appuyant sur la nécessité de contrôler la chaîne d’approvisionnement. .

Mais certains experts mettent en garde : « Les discussions sur d’hypothétiques accords doivent être considérées comme des spéculations, sauf annonce officielle de l’administration » souligne Kush Desai, porte-parole de la Maison Blanche.

Les risques de déséquilibre entre concurrence et intervention publique restent réels, et l’impact sur la gouvernance d’Intel est sujet à débat.

Perspectives : une transformation qui dépasse le simple sauvetage

L’avenir d’Intel dépendra désormais de l’issue des négociations avec la Maison Blanche. L’opération pourrait marquer le début d’une nouvelle politique industrielle américaine, plus interventionniste et portée par la sécurité nationale.

Une telle transformation constituerait un précédent dans le secteur privé, offrant au fabricant de puces une capacité d’investissement renouvelée – et peut-être la possibilité de redevenir le pilier technologique que l’Amérique attend.

Tandis que le gouvernement examine l’utilisation des fonds du CHIPS Act pour financer cette prise de participation, la communauté technologique et financière surveille étroitement chaque annonce. Si la stratégie aboutit, elle pourrait inspirer d’autres États à intervenir pour préserver leur autonomie numérique face à la compétition mondiale.