La bataille technologique entre les États-Unis et la Chine continue de se jouer autour des semi-conducteurs. Nvidia, leader mondial des puces d’intelligence artificielle, prépare un nouveau composant pour le marché chinois : le B30A.

Exploitant son architecture graphique de dernière génération, ce modèle pourrait surpasser le GPU H20, actuellement autorisé à la vente, mais il reste suspendu à l’approbation des régulateurs américains. 

Un nouveau processeur pour contourner les restrictions

Selon plusieurs sources proches du dossier, Nvidia travaille activement sur le lancement du B30A, une puce utilisant sa plus récente architecture Blackwell.

Le B30A, monolithique, viserait environ la moitié de la puissance brute du B300, le fleuron de Nvidia, qui utilise une conception à double-die. Cette réduction permettrait à l’entreprise de rester sous les seuils d’interdiction fixés par Washington.

Nvidia Blackwell architecture graphique

Néanmoins, malgré ses limitations, le B30A conserverait plusieurs atouts stratégiques comme la mémoire à haute bande passante (HBM) et la technologie NVLink pour une transmission de données ultrarapide.

Tensions politiques et incertitudes réglementaires

La décision de commercialiser ce nouveau processeur n’appartient pas uniquement à Nvidia. Elle dépend largement des choix de Washington. Le président américain Donald Trump a récemment évoqué la possibilité d’ouvrir la voie à la vente de versions plus avancées des puces Nvidia en Chine, tout en rappelant que chaque feu vert reste conditionné à l’examen des autorités.

Pour l’heure, ces autorisations sont encore très incertaines. Les inquiétudes persistent à Washington : donner à Pékin un accès, même restreint, aux puces d’intelligence artificielle de dernière génération pourrait affaiblir l’avance technologique américaine.

Nvidia Blackwell Ultra

Nvidia Blackwell Ultra, la dernière évolution de l'architecture graphique

Certains élus redoutent que ces semi-conducteurs soient utilisés à des fins militaires. De son côté, Nvidia se défend en affirmant : « Tout ce que nous proposons est soumis à l’approbation des autorités concernées et conçu uniquement pour un usage commercial. »

Le dilemme est clair : préserver la sécurité nationale ou maintenir un accès stratégique à un marché qui représente près de 13 % du chiffre d’affaires annuel de Nvidia.

Concurrence locale et menace Huawei

Si Nvidia parvient à maintenir sa présence en Chine, ce n’est pas uniquement pour des raisons de revenu immédiat. Le véritable enjeu est la fidélisation de l’écosystème logiciel développé autour de ses puces.

Les développeurs chinois utilisent largement les bibliothèques CUDA de Nvidia. Si l’entreprise se voit durablement empêchée de fournir des produits compétitifs, les acteurs locaux risquent de migrer vers d’autres alternatives, dont Huawei.

Huawei Ascend CANN

Huawei CANN, la riposte au CUDA de Nvidia

Le groupe chinois a fait d’énormes progrès dans la conception de semi-conducteurs. Ses dernières générations sont décrites comme comparables aux produits Nvidia en matière de puissance de calcul.

Toutefois, elles restent limitées sur certains aspects, en particulier l’écosystème logiciel et la bande passante mémoire. Pour Nvidia, garder un pied sur le marché chinois limite donc le risque d’un basculement complet vers le champion national.

Un second chip sur mesure pour l’inférence

Parallèlement au B30A, Nvidia prépare également un autre processeur pour la Chine : le RTX6000D. Celui-ci repose également sur l’architecture Blackwell mais cible principalement les tâches d’inférence en intelligence artificielle.

Ses caractéristiques sont volontairement réduites afin de respecter les seuils réglementaires. Avec une bande passante mémoire de 1 398 Go/s, il se positionne juste en dessous de la limite des 1,4 To fixée par Washington.

D’après les informations recueillies, le RTX6000D serait proposé à un prix inférieur au H20 et devrait arriver en petites quantités dès septembre. Cette stratégie pourrait permettre à Nvidia de maintenir une offre compétitive en Chine, sans s’exposer à un nouveau blocage réglementaire.

Un équilibre fragile entre innovation et géopolitique

L’avenir du B30A et du RTX6000D dépendra du bras de fer commercial et technologique entre les États-Unis et la Chine. Alors que Trump a évoqué la possibilité d’autoriser des versions "réduites" des nouveaux processeurs, le risque d’un retour arrière reste élevé.

En parallèle, Pékin observe avec suspicion les intentions de l’entreprise américaine. Les médias officiels chinois ont déjà accusé les puces Nvidia de représenter un danger potentiel pour la sécurité, incitant les sociétés locales à limiter leurs achats.

Pour Nvidia, la stratégie repose donc sur un double pari : rester présent sur son deuxième marché mondial tout en naviguant entre pressions politiques et réglementations.

Fournir des puces Blackwell serait un geste fort mais les autorités chinoises sont déjà en train d'essayer de privilégier les composants IA d'origine chinoise au sein des entreprises en imposant un quota d'au moins 50% de puces. Le sort de Nvidia en Chine serait-il déjà scellé ?

Source : Reuters