Le récent bras de fer autour des puces Nvidia H20 agite le monde de la technologie et nourrit des débats passionnés sur la souveraineté numérique et la confidentialité des données.

Après la levée partielle d’un embargo américain, Nvidia fait face à des interrogations officielles émanant de Pékin sur d’éventuelles portes dérobées présentes dans ses GPU conçus spécialement pour la Chine.

Face à l’importance stratégique des puces d’intelligence artificielle et à la complexité du contexte géopolitique, les deux parties se jaugent, à la recherche d'entourloupes après les efforts de rapprochement.

Les composants Nvidia H20, un peu plus que des puces IA

L'industrie des semi-conducteurs est au cœur d'une rivalité exacerbée entre les États-Unis et la Chine. Pour Pékin, la puissance de calcul permise par les GPU Nvidia H20, adaptés aux exigences du marché chinois, fait planer le spectre de vulnérabilités techniques exploitables par des acteurs étrangers.

En avril dernier, Washington avait suspendu les ventes des accélérateurs H20, accusés de permettre le développement accéléré de l’IA chinoise, avant de rouvrir partiellement le marché quelques semaines plus tard.

Nvidia H200

Dans ce contexte tendu, la Chine, par l’intermédiaire de la Cyberspace Administration of China (CAC), a convoqué Nvidia afin d’exiger des preuves formelles de l’absence de systèmes de tracking, positionnement ou désactivation à distance.

La pression ne s’arrête pas là : un projet de loi américain, le Chip Security Act, prévoit d’imposer à tous les fabricants de puces sophistiquées des solutions de localisation intégrées.

Officiellement destiné à empêcher le détournement de matériel, ce texte est perçu par la Chine comme une tentative d’espionnage déguisée. « Les entreprises étrangères doivent se conformer à la législation chinoise et placer la sécurité au premier plan », martèle la presse officielle à destination de Nvidia.

Nvidia : une communication de crise tout en fermeté

Interrogée sur la possible existence de « backdoors », c’est-à-dire de portes d’accès secrètes permettant la prise de contrôle à distance des puces H20, Nvidia a opposé un démenti catégorique.

« Nos produits n’intègrent pas de dispositifs qui permettraient à quiconque d’accéder ou de contrôler nos puces à distance », assure la société dans ses différents communiqués. Le constructeur insiste sur ses engagements en matière de cybersécurité, tout en réfutant toute contrainte secrète ou fonctionnalité cachée imposée par des administrations étrangères.

backdoor

En réponse aux inquiétudes, Nvidia a publié sur ses canaux officiels en Chine un message inédit, réaffirmant l’absence de « kill switch », d’algorithmes de surveillance ou de modules de désactivation non documentés dans ses processeurs H20.

L’entreprise rappelle que ces composants sont le fruit d’un long compromis visant à s’adapter à la fois aux restrictions américaines et aux exigences de ses clients chinois. Mais la société évite soigneusement d’aborder publiquement les discussions confidentielles avec les autorités de Pékin.

Un climat d’incertitude pour Nvidia et ses partenaires

Ces tensions soulèvent des questions inédites sur la viabilité à long terme des affaires de Nvidia en Chine. Quelques semaines après l’assouplissement de l’embargo, la société doit prouver « noir sur blanc » la sécurité de ses nouvelles puces pour regagner la confiance de ses principaux acheteurs.

D’un point de vue économique, la pression est considérable. Avec près de 300 000 puces commandées récemment à son partenaire TSMC, Nvidia ne cache pas que la santé de son segment Data Center et IA dépend en grande partie du marché chinois.

Mais la firme a déjà essuyé une dépréciation de 4,5 milliards de dollars liée à des stocks invendables après le premier embargo américain. Le moindre doute risque de reporter les clients chinois vers de nouveaux concurrents locauxcomme Huawei et ses puces Ascend.

La confiance de la Chine dans les produits de Nvidia est donc cruciale pour sa capacité de croissance et son maintien au sommet du marché de l'IA, sous peine de voir d'autres acteurs prendre l'ascendant, quitte à prendre des libertés avec le grand principe de la sécurité nationale.