Une véritable onde de choc diplomatique secoue les relations transatlantiques. Le département d'État américain, sous l'impulsion de l'administration Trump, a annoncé des sanctions directes contre cinq personnalités européennes. En cause : leur engagement pour une régulation plus stricte du secteur technologique. Qualifiant leurs actions de « censure », Washington a décidé de leur interdire l'accès au territoire américain, ouvrant un nouveau front dans la bataille pour le contrôle de l'espace numérique.

Qui sont les cinq Européens ciblés par Washington ?

La figure la plus emblématique de cette liste est sans conteste Thierry Breton. En tant qu'ancien commissaire européen au Marché intérieur, il a été l'architecte principal du DSA (Digital Services Act), le règlement européen sur les services numériques. C'est ce texte, visant à responsabiliser les plateformes, qui est au cœur des critiques américaines. La sous-secrétaire d'État pour la diplomatie publique, Sarah Rogers, a clairement identifié Breton comme la cible principale de ces mesures.

Thierry Breton

Les quatre autres personnalités sanctionnées sont des représentants d'organisations non gouvernementales actives dans la lutte contre la désinformation et la haine en ligne. On y retrouve Imran Ahmed, directeur du Center for Countering Digital Hate (CCDH), Clare Melford, dirigeante de l'index de la désinformation (GDI), ainsi qu'Anna-Lena von Hodenberg et Josephine Ballon, toutes deux membres de l'ONG allemande HateAid. Leur point commun est d'avoir activement milité pour un encadrement plus strict des contenus en ligne.

Quelle a été la riposte de l'Europe face à cette attaque ?

La réaction ne s'est pas fait attendre. Thierry Breton a lui-même dénoncé sur X un « vent de maccarthysme », faisant référence à la chasse aux sorcières anticommuniste des années 1950. Il a rappelé avec force que le DSA avait été adopté à une écrasante majorité par le Parlement européen et à l'unanimité par les 27 États membres, concluant par un message direct : « À nos amis américains : “La censure n’est pas là où vous le pensez” ».

Le gouvernement français a également réagi par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Dénonçant une décision inacceptable, il a souligné que « les peuples de l’Europe sont libres et souverains ». Ce soutien a été relayé par le ministre chargé de l'Europe, Benjamin Haddad, qui a insisté sur le fait que l'État de droit européen ne pouvait être remis en question par des acteurs extérieurs.

DSA-Digital-Service-Act

Pourquoi cette tension entre les États-Unis et l'Europe atteint-elle son paroxysme ?

Ces sanctions ne sont que la partie visible d'une offensive plus large menée par Donald Trump contre la régulation européenne de la tech. Les États-Unis perçoivent l'arsenal juridique de l'UE, le plus puissant au monde, comme une attaque directe contre les entreprises américaines et une atteinte à la liberté d'expression. La crise couvait depuis des mois, notamment après l'amende de 120 millions de dollars infligée à X, un acte qualifié par le secrétaire d'État Marco Rubio d'« attaque contre le peuple américain ».

L'administration Trump dénonce plus largement ce qu'elle nomme un « complexe industriel mondial de la censure ». Un mémo récent du département d'État évoque même de nouvelles restrictions de visas pour les professionnels de la tech spécialisés dans la modération de contenu. Cette vision s'inscrit dans une critique plus globale de l'Europe, accusée dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale américaine de saper les libertés fondamentales.

Source : Le Monde