Le torchon brûle entre Paris et Berlin sur le dossier du Système de combat aérien du futur. Ce qui n'était qu'une friction industrielle entre les deux piliers du programme a viré à la crise politique ouverte.
Au point que l'Italie, partenaire clé du projet concurrent GCAP, tend désormais la main à une Allemagne frustrée par les retards et les blocages. La défense européenne est à la croisée des chemins.
Pourquoi le programme SCAF est-il en crise ?
Le cœur du problème est un profond conflit de gouvernance. Dassault Aviation, désigné maître d'œuvre pour l'avion de combat de nouvelle génération (NGF), pilier central du programme, exige d'avoir le dernier mot. L'avionneur français refuse de voir ses décisions diluées par Airbus, dont la voix compte double via ses filiales allemande et espagnole. C'est un véritable bras de fer pour le leadership industriel.
Pour l'industrie d'outre-Rhin, céder sur ce point reviendrait à menacer sa propre production d'avions de chasse. La tension est telle que des voix politiques allemandes, comme celle du député Volker Mayer-Lay, appellent désormais à un retrait pur et simple du projet SCAF. Il n'y voit plus un risque, mais une "opportunité de repartir à zéro".
Quelle est l'alternative pour l'Allemagne ?
La porte de sortie est toute trouvée : le Global Combat Air Programme (GCAP), l'autre grand projet mené par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon. Le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a été très clair : l'Allemagne "pourrait probablement rejoindre ce projet à l'avenir". Une déclaration qui sonne comme une invitation en bonne et due forme, transformant une hypothèse en une possibilité politique concrète.
Cette main tendue n'est pas une surprise. Le Royaume-Uni s'était déjà montré ouvert et les deux pays collaborent déjà sur des systèmes de drones. Pour l'Italie, intégrer un nouveau partenaire sur ce programme d'avion de combat est logique : plus de partenaires signifie des coûts partagés et des retombées économiques accrues. Une logique pragmatique qui met en lumière la fragmentation de la défense européenne.
Quelles conséquences si le SCAF échoue ?
Un échec sur le développement de l'avion ne signifierait pas la mort totale du SCAF. Les responsables français et allemands admettent que la coopération pourrait se poursuivre sur un périmètre réduit, centré sur le cloud de combat. L'objectif serait de garantir l'interopérabilité entre les systèmes, un enjeu jugé décisif par les états-majors.
Cependant, l'implosion du pilier principal serait un échec politique majeur pour l'axe franco-allemand. Cela confirmerait les "doublons inutiles" et le "gaspillage de ressources" dénoncés par le ministre italien. Une Europe de la défense à deux vitesses se dessinerait, avec deux systèmes concurrents au lieu d'un projet unifié.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce que le projet SCAF ?
Le Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) est un projet franco-hispano-germanique. Il vise à développer un "système de systèmes" articulé autour d'un avion de combat de sixième génération, destiné à remplacer les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols à l'horizon 2040.
Qui sont les principaux acteurs industriels en conflit ?
Le conflit oppose principalement le français Dassault Aviation, désigné maître d'œuvre pour l'avion, et Airbus Defence and Space, qui représente les intérêts industriels de l'Allemagne et de l'Espagne. Le cœur du désaccord porte sur le leadership et le partage des tâches.
Quelle est la date clé à venir pour le projet ?
Une réunion entre les ministres de la Défense français, allemand et espagnol est prévue le 11 décembre. Cette rencontre est considérée comme décisive pour tenter de débloquer la situation et sauver la coopération sur le programme.