C'est un véritable séisme dans le monde de la technologie sportive. L'application de suivi d'activités Strava a engagé des poursuites contre Garmin, son partenaire de longue date et un géant des appareils GPS, pour une prétendue violation de brevets concernant deux de ses fonctionnalités phares : les segments et les cartes de chaleur. La demande est radicale : un arrêt de la commercialisation de la quasi-totalité des produits Garmin qui intègrent ces technologies.

Quels sont les brevets au cœur du litige ?

Le cœur du conflit repose sur une accusation de violation de brevets que Strava juge flagrante. Le premier brevet concerne les fameux « Segments », ces portions de route ou de sentier où les athlètes peuvent comparer leurs temps. Le second brevet porte sur les cartes de chaleur (ou heatmaps), qui montrent les itinéraires les plus populaires utilisés par la communauté.

L'ironie de la situation est que ces fonctionnalités existent sur la plateforme Garmin Connect depuis près d'une décennie. Plus troublant encore pour la défense de Strava, Garmin a introduit ses propres cartes de chaleur dès 2013, soit plus d'un an avant que Strava ne dépose son brevet sur une technologie similaire. Cette antériorité pourrait sérieusement fragiliser l'argumentaire de l'application.

Strava

Pourquoi cette action en justice, dix ans plus tard ?

Cette offensive judiciaire surprend d'autant plus que le partenariat historique entre les deux entreprises semblait solide, formalisé par un accord de coopération en 2015. Alors, pourquoi maintenant ? La véritable source de tension serait bien plus récente. En juillet 2025, Garmin a annoncé de nouvelles directives pour les partenaires utilisant son API, c'est-à-dire l'interface qui permet aux applications de communiquer entre elles.

Ces règles exigent que les applications tierces affichent une mention indiquant que les données proviennent de Garmin. Strava a publiquement qualifié cette exigence de « publicité flagrante » et a déclaré refuser de « dégrader l'expérience utilisateur ». Cependant, cette pratique d'attribution de source est une norme dans l'industrie, et la demande de Garmin n'impose pas l'affichage d'un logo, mais simplement une mention textuelle. Ce serait donc cette divergence sur l'API de Garmin qui aurait mis le feu aux poudres.

Garmin Venu Sq 2

Quelles pourraient être les conséquences pour les utilisateurs et le marché ?

Au-delà de la bataille juridique, c'est tout l'écosystème sportif qui retient son souffle. Strava assure que son intention n'est pas de perturber la synchronisation des données pour les millions d'utilisateurs communs. De son côté, Garmin reste silencieux, se contentant de ne pas commenter une affaire en cours. Le risque majeur serait une riposte de Garmin, qui pourrait décider de couper l'accès à son API pour Strava.

Une telle décision serait catastrophique pour Strava, dont une immense majorité des utilisateurs payants sont des possesseurs d'appareils Garmin. En attaquant son plus important partenaire sur des brevets potentiellement fragiles, à l'approche de sa propre introduction en bourse, Strava prend un risque colossal qui pourrait bien se retourner contre lui.