C'est un succès discret mais stratégique qui a eu lieu sur la côte Atlantique. Dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 novembre 2025, le site de la Direction générale de l’armement (DGA) Essais de missiles à Biscarosse a été le théâtre du premier vol de SyLEx, acronyme de « Système de Lancement d’Expériences ».
Développée en moins de trois ans, cette fusée-sonde marque une étape décisive pour la France, qui acquiert ainsi une capacité souveraine de lancement suborbital, essentielle pour ses ambitions militaires et civiles.
SyLEx : un laboratoire volant pour la haute atmosphère
Concrètement, SyLEx est une sorte de banc d’essais volant, conçu pour propulser des charges utiles dans la très haute atmosphère et même au-delà, sans pour autant se mettre en orbite.
Ce premier lancement, réalisé avec la version mono-étage de la fusée, transportait une charge utile expérimentale destinée à valider les systèmes et le comportement en vol. L’objectif était de confirmer la fiabilité de l'étape critique du décollage et de la trajectoire.
Une fois pleinement opérationnelle, la gamme SyLEx pourra emporter une charge utile allant jusqu’à 600 kg à une altitude comprise entre 200 et 400 kilomètres. Ces performances permettront de mener une large palette d’expérimentations, comme l’étude de la rentrée atmosphérique, des tests d’équipements en condition de microgravité, ou encore des mesures pour des applications civiles.
Au-delà du simple tir : un enjeu de souveraineté nationale
Ce programme répond avant tout à un besoin d'indépendance stratégique. Jusqu'à présent, la France dépendait de partenaires étrangers pour certains tests cruciaux.
L'exemple le plus parlant est celui du planeur hypersonique V-Max, dont le premier essai en juin 2023 avait nécessité l’utilisation d’une fusée-sonde américaine. Avec SyLEx, la France s'affranchit de cette dépendance pour ses projets de défense les plus sensibles.
Le projet est le fruit d’une collaboration étroite entre la DGA et ArianeGroup, qui confirme son double savoir-faire dans les lanceurs civils, comme Ariane 6, et les systèmes de défense, tel le missile M51.
Cette nouvelle capacité souveraine est un atout majeur pour la dissuasion française, car elle offre une plateforme nationale pour développer et valider les technologies qui équiperont les systèmes d'armes du futur.
Une feuille de route ambitieuse déjà en préparation
Ce premier vol réussi n'est qu'une première étape. Les équipes d’ingénieur travaillent déjà sur la prochaine évolution : une version bi-étage de SyLEx. Cette version plus puissante sera notamment indispensable pour la poursuite du programme V-Max.
Ce véhicule manœuvrable expérimental est conçu pour évoluer à plus de Mach 5 (environ 6 000 km/h) en rebondissant sur les couches de l'atmosphère, le rendant quasiment impossible à intercepter.
L'objectif affiché par la France est de rendre cette arme hypersonique opérationnelle d'ici à 2035. La fusée-sonde SyLEx est donc un maillon essentiel de cette feuille de route.
En offrant une plateforme de test fiable et souveraine, elle accélère le développement de ces démonstrateurs hypervéloces et ouvre la voie à de futures applications, s'adressant non seulement aux besoins nationaux mais aussi au « marché européen », comme le souligne Vincent Pery, directeur des programmes Défense chez ArianeGroup.