La plateforme chinoise Temu, qui s’est imposée en Europe par sa gamme de produits bon marché, se retrouve au centre d’un tourbillon réglementaire : la Commission européenne l’accuse de manquements graves à la réglementation du Digital Services Act (DSA).

Face à un catalogue renfermant jouets dangereux, électroniques non conformes ou objets potentiellement contrefaits, les autorités du Vieux Continent mettent en garde la marketplace et brandissent la menace d’une sanction record pouvant aller jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial.

Des « manquements graves » aux règles européennes

L’annonce est tombée lundi : après des mois d’enquêtes et d’achats tests menés par la Commission, Temu est officiellement dans le viseur du régulateur européen. Les contrôleurs ont relevé un risque élevé pour les consommateurs de croiser des produits illégaux lors de leurs achats : jouets pour enfants hautement toxiques, petits gadgets pouvant électrocuter ou asphyxier, casques qui n’offrent aucune vraie protection…

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Le DSA, qui s’applique à toutes les grandes plateformes depuis février 2024, impose à chaque géant du web d’anticiper ces risques et de lutter activement contre la diffusion de contenus ou de biens illicites. « Temu est loin d’évaluer les risques pour ses utilisateurs au niveau requis par la réglementation », tacle Henna Virkkunen, commissaire européenne à la tech.

Acheteurs exposés et systèmes internes insuffisants

Selon la Commission, Temu s’est contentée d’une évaluation des risques « trop générale » et peu ancrée dans la réalité de son propre site. Les audits menés depuis octobre 2024 ont montré que la plateforme utilise des informations sectorielles génériques, sans adapter ses contrôles à la spécificité de son écosystème.

Cette attitude aurait mené à des mesures d’atténuation jugées inadaptées, laissant des vendeurs de produits illicites ou dangereux prospérer sur la place de marché. Les reproches portent notamment sur un manque de filtrage efficace concernant les jouets et produits électroniques problématiques mais aussi sur la trop grande facilité des vendeurs bannis à revenir sur la plate-forme sous un autre nom.

Avec près de 94 millions d’utilisateurs européens chaque mois, l’exposition du public à ces dangers n’est donc pas un risque négligeable. Entre produits proposés à des tarifs très bas et produits dangereux et/ou non respectueux des réglementations européennes, la frontière est trop mince pour le régulateur européen.

Risques de sanctions et pression croissante sur Temu

Le Digital Services Act n’est pas qu’une série de recommandations : Bruxelles peut désormais infliger jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial à toute plateforme fautive, en plus d’ordonner des mises en conformité immédiates.

Temu a reçu la possibilité de répondre aux accusations, mais la pression est à son comble. Son principal concurrent, Shein, ou même de grands réseaux sociaux, sont déjà visés par des procédures similaires, montrant la volonté européenne d’exiger une responsabilité accrue des géants du e-commerce.

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Des groupes de défense des consommateurs comme le BEUC avaient déjà alerté sur la présence de produits non-conformes : tests à l’appui, ils rapportaient la mise en vente de jouets comportant des substances toxiques ou de fausses promotions trompeuses.

Au-delà des produits, d’autres pratiques dans le viseur

La Commission ne limite pas son enquête à la seule vente d’objets interdits. Les soupçons visent aussi la transparence des algorithmes de recommandation, la lutte contre les faux avis et la conception « addictive » de l’application, accusée de pousser à des achats répétés ou impulsifs (les fameux dark patterns pour lesquels Temu a déjà été rappelée à l'ordre en France).

Les notions de fausses promotions, d’avis clients douteux, de « gamification » du shopping et d'exploitation des données personnelles font ainsi partie du dossier. « La sécurité des consommateurs n’est pas négociable dans le Marché unique numérique », martèle la commissaire européenne, rappelant que d’autres grandes plateformes (Facebook, Instagram, AliExpress, X…) sont surveillées sous l’égide du DSA. Temu a promis de « coopérer pleinement » avec les autorités, sans fournir de feuille de route claire sur ses prochaines actions.

Temu, qui a conquis l’Europe en à peine deux ans grâce à des prix très bas, un catalogue pléthorique et une publicité numérique omniprésente, traverse aujourd’hui sa première grande tempête réglementaire européenne.

L’affaire illustre le bras de fer engagé entre Bruxelles et les plateformes mondiales : garantir la sécurité numérique des citoyens, tout en imposant des standards élevés à l’économie digitale. 

Tant Temu que Shein sont régulièrement critiqués pour leurs pratiques en marge des réglementations et leur incitation à une consommation sans frein de produits de mauvaise qualité et créateurs ensuite de déchets dont les volumes deviennent ingérables...quand ils n'ont pas mis en danger la vie de leurs utilisateurs.