Le rideau tombe sur une saga énergétique et judiciaire. Par un décret publié au Journal officiel, l’État français a officiellement programmé la fin de l'exploitation du terminal méthanier flottant du Havre pour le 8 mai 2026.
Cette décision scelle le sort du Cape Ann, un navire-citerne transformé en unité de regazéification, qui n'aura finalement jamais servi la cause pour laquelle il avait été déployé en urgence.
Pourquoi un tel terminal avait-il été installé au Havre ?
Retour en 2022. L’Europe tremble, secouée par une crise énergétique majeure dans le sillage de la guerre en Ukraine. Face à la quasi-interruption des livraisons de gaz russe, la France décide de mettre en place un filet de sécurité pour garantir son approvisionnement. Ce terminal flottant, ou FSRU (Floating Storage and Regasification Unit), devait permettre de recevoir et de transformer le gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par navire.
Ancré en octobre 2023 dans le port du Havre après une autorisation délivrée en avril de la même année, le projet visait à pallier d'éventuelles pénuries de gaz durant les pics de demande hivernaux. Une assurance coûteuse, mise en place pour parer à une menace qui, finalement, ne s'est jamais matérialisée, laissant l'infrastructure à quai, parfaitement inactive.
Comment une décision judiciaire a-t-elle scellé son sort ?
Dès son annonce, le projet s'est heurté à un mur de recours juridiques portés par plusieurs associations de défense de l'environnement. Leur argument principal : la menace de pénurie énergétique était désormais écartée, rendant l'installation non seulement inutile mais aussi climaticide. Le combat pour l'écologie s'est donc joué sur le terrain du droit.
Le tournant décisif a eu lieu le 16 octobre 2023. Le tribunal administratif de Rouen a donné raison aux associations, actant de fait l'inutilité du terminal. Cette victoire judiciaire a été le catalyseur qui a poussé l'opérateur et l'État à revoir leur copie et à préparer le démantèlement d'une infrastructure mort-née.
Quelle a été la réaction de TotalEnergies ?
Le coup de grâce est venu de l'opérateur lui-même. Le 25 novembre, TotalEnergies a annoncé son intention de "démobiliser" le terminal, admettant qu'il "n'est plus aujourd'hui nécessaire, comme en témoigne son absence d'utilisation". Une reconnaissance factuelle qui confirme les conclusions du tribunal.
Le groupe pétrolier a toutefois souligné avoir mis cette infrastructure à disposition de la France "à ses frais et sans aucune subvention publique". Ce qui devait être un outil stratégique de sécurité énergétique est ainsi devenu le symbole coûteux d'une crise anticipée mais jamais concrétisée, et d'une transition énergétique complexe et pleine de contradictions.
Foire Aux Questions (FAQ)
Quel était le rôle exact du navire Cape Ann ?
Le Cape Ann est un FSRU, une unité flottante de stockage et de regazéification. Son rôle était de recevoir du gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par des méthaniers, de le stocker, puis de le réchauffer pour le ramener à l'état gazeux afin de l'injecter dans le réseau de transport terrestre français.
Le terminal méthanier du Havre a-t-il déjà fonctionné ?
Non, absolument jamais. Bien qu'opérationnel depuis son ancrage en octobre 2023, le terminal n'a jamais été sollicité pour injecter du gaz dans le réseau, son "absence d'utilisation" étant l'un des arguments clés ayant conduit à sa fermeture.
Qui s'est opposé à ce projet ?
Plusieurs associations de défense de l'environnement ont mené la bataille juridique contre ce projet. Elles ont contesté sa pertinence au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, arguant que la menace de pénurie de gaz était passée et que l'installation d'une nouvelle infrastructure fossile était incohérente avec les objectifs climatiques.