L'affaire a secoué le monde des télécoms belges au printemps dernier. Dans le plus grand secret, Xavier Niel, fondateur de Free et déjà deuxième actionnaire de Proximus avec plus de 6 % du capital, a présenté une proposition choc au gouvernement belge fraîchement constitué. L'objectif était clair : répliquer en Belgique le séisme provoqué en France avec ses offres disruptives et prendre le contrôle opérationnel de l'opérateur historique du pays.
Comment Xavier Niel a-t-il orchestré sa proposition ?
Le plan de Niel était aussi simple qu'audacieux : un pacte d’actionnaires proposé directement à l’État belge, qui détient 53,5 % de Proximus via son bras financier, la SFPIM. Le montage était subtil : l'État restait actionnaire majoritaire sur le papier, conservant même la présidence du conseil d'administration. Mais le nerf de la guerre : le poste de directeur général devait être désigné par le clan Niel. C'était la clé de voûte de son offre.
En échange, il promettait de "recalibrer" l'entreprise en se concentrant sur le déploiement de la fibre et de la 5G, de tailler dans les coûts et d'instaurer une politique de dividendes très généreuse. En somme, il proposait de prendre les manettes opérationnelles tout en laissant à l'État un contrôle capitalistique de façade.
Pour quelles raisons la Belgique a-t-elle rejeté l'offre ?
Alors, pourquoi le gouvernement belge a-t-il si froidement douché les espoirs du milliardaire français ? Officiellement, l'exécutif a jugé que la période, marquée par des cours de bourse très bas, n'était pas idéale pour céder une partie de ses participations stratégiques. Une justification financière prudente.
Mais en coulisses, la nature même du "deal" a fait grincer des dents. La manœuvre a été perçue pour ce qu'elle était : une tentative de prise de contrôle déguisée. L'idée de confier les clés de l'opérateur national à un acteur étranger, réputé pour ses méthodes agressives, a été qualifiée de « jolie manière d’essayer de réaliser un hold-up ». De plus, une certaine frilosité politique à voir une autre grande entreprise du pays passer sous pavillon français aurait pesé dans la balance.
Quel est l'impact de cette tentative sur le marché belge ?
Cette offensive s’inscrit dans un contexte bien connu des consommateurs : les prix des télécoms belges sont parmi les plus élevés d'Europe. Là où la France bénéficie d'offres fibre à très haut débit pour parfois moins de 30 euros, les Belges paient souvent le double pour des performances moindres. Un "effet Free" est attendu depuis des années pour dynamiter cette situation.
Conscient de cette attente, Xavier Niel n'a pas hésité à jeter un pavé dans la mare. Interpellé sur X par un internaute se plaignant des tarifs, sa réponse a été aussi directe que provocatrice : « Moi je suis chaud, c’est votre gouvernement qui veut pas ». Une déclaration qui met une pression considérable sur les autorités belges et alimente le débat public sur le manque de concurrence.
Même si son offre a été balayée, le fondateur de Free n'a probablement pas dit son dernier mot. En restant un actionnaire de poids chez Proximus, il conserve une position stratégique idéale pour observer, attendre le bon moment, et peut-être revenir à la charge. Le bras de fer entre le "pirate" des télécoms français et le plat pays ne fait que commencer.