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Libération (Rebonds) : « Il faut libérer le logiciel libre »

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SL
Un article paru en réponse à « Il n'a de libre que le nom » : « Il
faut libérer le logiciel libre » :

<http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/193294.FR.php>

Je ne peux pas m'embêcher de relever la nullité absolue de cet
article. Autant le précédent était peut être une charge lourde et
partielle, mais avait l'avantage de poser de vraies questions et des
idées paradoxales (le caractère soluble du libre dans
l'ultra-capitalisme), autant celui ci est du plus pur discours
sectaire. Dès la seconde phrase le niveau est annoncé :

« Son auteur, par sa maladresse volontaire ? et sa partialité
s'est décrédibilisé. Il n'est donc pas forcément nécessaire de
répondre point par point à cette attaque. »

On est dans la cours de récréation avec de celui qui fera le plus
d'insultes, se livrera aux plus belles pétitions de principes, aux
attaques /ad hominem/ et aux sous-entendu sur la bonne foi du
contradicteur les plus dénuées d'intérêt. S'autoriser à sous entendre
que le contradicteur a tort et qu'il n'est pas nécessaire de répondre
parce qu'il fait sans aucun doute exprès de raconter n'importe quoi,
qu'il est donc du côté du mal, c'est assez fort.

Ça donne vraiment l'impression d'un fanatique religieux qui lève la
tête de son livre saint mais a oublié que tout le monde ne partage pas
sa foi et qu'il est peut être nécessaire, quand on ne parle pas à ses
ouailles, de "répoindre point par point" au moyen d'une argumentation.

Autre perle :

Par ailleurs, et comme par hasard, certaines prises de position
publiques viennent sensibiliser les décideurs et le grand public,
comme on soupçonne que ce fut le cas pour cette tribune, qui
visait à attaquer l'économie du logiciel libre. Le plus important
pour «eux» n'est pas de dire la vérité ; le plus important est de
maintenir leur situation de monopole.

Argument décisif, ce soupçon que l'article auquel est un sous-marin de
l'industrie du logiciel propriétaire. Le « eux » aussi est magnifique,
c'est un aveu de la logique sectaire et manichéiste de tout ça. Je
passe sur le fait que le contradicteur soient à nouveaux présentés
comme le mal absolu, duquel aucune vérité ne peut venir : il ne faut
donc surtout pas les écouter, ce serait courir le risque de succomber
au malin.

Faute d'avoir eu le temps de s'habituer à la lumière du jour, l'auteur
nous livre les arcanes de sa pensée dont Microsoft est la clef de
voûte dans le rôle du mal absolu :

Les grands éditeurs mondiaux avancent maintenant derrière des
prête-noms soi-disant experts et indépendants ou derrière de
petites associations et essayent de faire croire que la France
peut encore espérer voir un jour émerger un nouveau Microsoft.

Troisième allusion (« soi-disant experts et indépendant ») à la
corruption de l'interlocuteur.

Par ailleurs l'article ne répond absolument pas, comme il l'annonçait,
à l'argument du premier article, qui était en gros l'équivoque
économique du logiciel libre et de sa récupération par le marché. Il
énumère donc ce qui est acquis, à savoir que le marché s'y intéresse,
et on est censé croire que c'est bien.

10 réponses

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Sylvain Loiseau
Le 02-08-2006, a écrit :

En fait, c'est un peu comme la personne d'Hitler : la facilité consiste,
sous prétexte qu'il avait des comportements un peu curieux, à le faire
passer pour un dingue. Amha, il n'y a aucun signe de pathologie de
ce type chez cet individu. Et tant mieux ! Furieusement névrosé, certes,
mais pas dingue. Donc, nous concernant directement.


Je me sens pas concerné pour ma part, c'est normal ?

Pourquoi est-il alors si évasif lors des entretiens où on lui demande des
comptes sur sa pensée dans les années 30 ? (je n'ai pas la référence sous
la main, mais promis, je retourne là où le livre se trouve, et je la
donne).


Je crois que cela vient en grande partie de l'entretien accordé à Der
Spiegel.

Il est vrai qu'Heidegger refuse de se prêter au jeu des questions
sur la Shoah par exemple.

Heidegger, je crois, avait un véritable mépris pour ces questions.


C'est vrai que c'était d'un vulgaire, ce fait divers !

A part Bourdieu, je ne vois pas qui l'a attaqué réellement sur son
terrain, à savoir la pensée. En général, les textes contre Heidegger
(il y en a un très virulent de Polac paru dans C.H la semaine dernière


C'est quoi C.H ?


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tg
On 2006-08-04, SL wrote:
Je n'ai pratiquement rien lu d'Heidegger (personnellement je n'aime
pas particulièrement lire quelque chose auquel je ne comprends rien
!),


Dans ce domaine, il est très rare de pouvoir dire qu'on comprend tout !

Tu as déjà essayé Hegel ? Perso, j'arrive à peu près à tenir un concept
pendant 10 mn, au mieux ! Ensuite, faut que je relise le passage.

Tu as 50 paramètres en tête à chaque instant. C'est usant mais très
amusant.

En fait, je ne vois aucun philosophe qui ne soit pas d'une lecture très
difficile. Husserl, c'est pas mal non plus :)

Je crois même qu'aucun bouquin un peu divertissant ne peut se passer d'une
prise de tête majeure chez le lecteur. Quel que soit le domaine.

Il montre aussi que les catégories d'Aristote sont un reflet du
système verbal grec et conclu d'ailleurs sur l'idée qu'il n'y a pas
des langues qui pourraient exprimer un certain type de réalité, qui
serait inaccessible à d'autres (tout simplement parce que les langues
n'ont rien à voir avec la réalité).


Je suis beaucoup plus sceptique. Ca doit être la lecture de Sapir qui
me fait ça.

C'est exactement le genre de réponse incroyable dont se moque
Bourdieu. "Pensez vous, je n'étais pas sur ce plan là !"


Pas vraiment. Les choses ne sont pas simples. Arriver à trouver dans
Heidegger une caution sur le nazisme, j'avoue qu'il y a trop de décalage
entre le niveau des textes et un discours aussi simpliste.

Bourdieu dit ça car il ne parvient pas du tout à démolir Heidegger. Le
pauvre !

tg

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SL
Il montre aussi que les catégories d'Aristote sont un reflet du
système verbal grec et conclu d'ailleurs sur l'idée qu'il n'y a
pas des langues qui pourraient exprimer un certain type de
réalité, qui serait inaccessible à d'autres (tout simplement parce
que les langues n'ont rien à voir avec la réalité).


Je suis beaucoup plus sceptique. Ca doit être la lecture de Sapir
qui me fait ça.


Je ne comprends pas, cette lecture est plutôt compatible avec l'idée
que, disons, les catégories des langues ne sont pas des catégories de
la nature, non ?


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Stéphane CARPENTIER

En fait, je ne vois aucun philosophe qui ne soit pas d'une lecture très
difficile.


Platon ?

--
Stéphane

Pour me répondre, traduire gratuit en anglais et virer le .invalid.
http://stef.carpentier.free.fr/

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tg
On 2006-08-05, Stéphane CARPENTIER wrote:
En fait, je ne vois aucun philosophe qui ne soit pas d'une lecture très
difficile.
Platon ?



Amha, c'est encore pire. Les concepts s'explicitent d'oeuvre en oeuvre.
Il y est fait allusion en plus aux pré-socratiques qui n'étaient pas
réputés pour leur facilité. On croit comprendre mais plus on avance,
plus on découvre le sens réel des mots.

Platon fait parti du gang des philosophes "faux-amis".

Dans le genre pseudo facile, Descartes. "Je pense donc je suis". Un peu
vague, mais enfin. Jusqu'à la colère de Derrida : Descartes a écrit
exactement "Ca pense en moi, donc ça est". Ce qui change tout !

Pascal : sans un très solide background sur les tenants de Port Royal,
totalement incompréhensible.

Schopenhauer : ah la découverte que la "volonté" n'a pas grand chose à
voiravec ce qu'on entend habituellement par ce terme.

En fait, c'est comme lire "La Nausée" sans avoir lu "L'être et le néant".
Incompréhensible sous des dehors finalement conviviaux.

Etc.


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tg
On 2006-08-05, SL wrote:
Je ne comprends pas, cette lecture est plutôt compatible avec l'idée
que, disons, les catégories des langues ne sont pas des catégories de
la nature, non ?


Oui. Mais va donc comprendre réellement la conception du monde d'un hopi.
Ca doit être chez le trio infernal Sapir-Whorf-Boas la liste d'exemples
du langage hopi. Je trouve ça chaud ! En fait, non seulement intraduisible
mais réellement incompréhensible. On s'approche du sens, c'est tout.

Sinon, tu as la palanquée de mots qui, n'existant pas en français,
caviarde la pensée de trous conceptuels. Rien que la lecture du dico de
Lalande, ça fait peur. Cherche le mot "pensée" et compare entre l'allemand
et le français. C'est effrayant. En français, on a très peu de mot pour
rendre compte de choses fondamentales qui existent en allemand.

Si je me souviens bien, Lalande s'en amuse avec Kant. Les problèmes de
traduction sont insurmontables. D'où souvent dans le texte le mot
allemand originel. Comme chez Heidegger, le mot grec qui ne trouve aucun
équivalent.

De là à dire que pas de mot => pas de pensée, ça reste à discuter.

Je crois que les japonais ont aussi une notion du Je vs Nous assez
spéciale...
tg

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SL
writes:

d'exemples du langage hopi. Je trouve ça chaud ! En fait, non
seulement intraduisible mais réellement incompréhensible. On
s'approche du sens, c'est tout.


Aucune barrière génétique, ou question de précompréhension due à
l'appartenance nationale, n'empêche d'y accéder, non ?

de traduction sont insurmontables. D'où souvent dans le texte le mot
allemand originel. Comme chez Heidegger, le mot grec qui ne trouve
aucun équivalent.


Le fait de laisser le /mot/ non traduit parce qu'on a pas envie de
créer un néologisme dans la langue qui le reçoit, ou d'expliciter son
/sens/ (conventionnel et historique) est différent du fait de dire que
les mots d'une /langue/ donnent un accès à l'/être/ (et non seulement
à un sens conventionnel), auquel aucun mot d'une autre langue ne donne
accès, non ?

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SL
writes:

Dans le genre pseudo facile, Descartes. "Je pense donc je suis". Un
peu vague, mais enfin. Jusqu'à la colère de Derrida : Descartes a
écrit exactement "Ca pense en moi, donc ça est". Ce qui change tout
!


Tiens, dans mon édition il y a écrit exactement "Je pense donc je suis".

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tg
On 2006-08-06, SL wrote:
Tiens, dans mon édition il y a écrit exactement "Je pense donc je suis".


Dans toutes les éditions courantes en fait. C'est bien ce qui faisait
enrager Derrida.

tg

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tg
On 2006-08-06, SL wrote:
writes:

Aucune barrière génétique, ou question de précompréhension due à
l'appartenance nationale, n'empêche d'y accéder, non ?


A-priori, non. Quoique ça reste un sujet assez chaud. Notamment sur
la prédisposition génétique chez l'enfant qui va, actuellement, bien
au-delà de ce que prévoyait Chomsky.

Au niveau culturel (national pourquoi pas), je trouve ça très délicat.
Tu arrives vraiment à penser en hopi toi ? Si ma mémoire ne me trahit
pas trop, il y a un ou deux phomènes de différence entre l'expression
d'écarter les branches d'un arbre et d'avoir un orteil supplémentaire,
en hopi. Pareil sur l'assertion encapsulant un taux statistique. En gros,
sous réserve que je remette la main sur ce bouquin, le hopi ne dit pas
"Il y a un cheval qui arrive" mais un truc du genre "Il y a tant de
chances pour que je vois un acheval arriver" (normal, dans la jungle,
on ne sait jamais à qui on a affaire !).

Je trouve ça très difficilement pensable. Pas impossible, mais très
difficile. Plongé dans une tribue hopi, je n'aurais pas tenu le coup !


Le fait de laisser le /mot/ non traduit parce qu'on a pas envie de
créer un néologisme dans la langue qui le reçoit, ou d'expliciter son
/sens/ (conventionnel et historique) est différent du fait de dire que
les mots d'une /langue/ donnent un accès à l'/être/ (et non seulement
à un sens conventionnel), auquel aucun mot d'une autre langue ne donne
accès, non ?


Difficile à dire. Sur le nombre, je pense que tu as raison. Mais sur
certains termes, il y a doute. D'où les retraductions perpétuelles de
certaines oeuvres. Ou l'abandon par ko technique. Je me souviens d'une
guerre terrible (entre amis) entre Hippolite, Lacan et Benveniste. Lacan
se foutait de la gueule de Benveniste qu'il considérait comme un linguiste
d'opérette. Il avait décidé de traduire lui-même certains textes
d'Heidegger. On en est toujours là, les traductions n'arrêtent pas de
se reproduire.

Sur le fond, actuellement, il y a deux grands éléments qui en prennent
plein la gueule : l'idée de Saussure sur l'arbitrarité absolue du langage.
Et l'idée de Darwin de la sélection. Sans retomber dans du lamarckisme
de bas étage, les japonais commencent à douter sérieusement du père
Darwin. En fait, c'est une guerre de tranchée qui s'est ouvert depuis une
dizaine d'années maintenant.

Les vides dans le lexique conditionnent beaucoup de choses dans la population.
Par exemple, on n'a pas d'équivalents français de termes psychiatriques
comme "perversion" ou "fantasmes". On a même tenté de les orthographier
de manière différente (la mode était au "phantasme" par exemple). Car, rien
que pour ces deux mots, ils ont des significations très différentes, qui
existent en allemand, mais pas en français. Ainsi, par exemple, Sade et
E. Louis sont pour le français peu averti, des "pervers". Le problème, c'est
que techniquement, ils sont aux antipodes l'un de l'autre...

tg