Avec plus de 9 000 kilomètres d'autoroutes, la France voit ses automobilistes devenir les cibles d'un nouveau fléau : l'arnaque au péage. Ce phénomène, aussi connu sous le nom de smishing (hameçonnage par SMS), connaît une croissance exponentielle, alimentée par la modernisation du réseau autoroutier.
L'introduction du péage en flux libre sur des axes majeurs comme l'A4, l'A13 ou l'A79, qui supprime les barrières physiques au profit de paiements dématérialisés, a en effet involontairement ouvert une brèche pour les cybercriminels. Ces derniers exploitent ce nouveau système pour envoyer des messages frauduleux de plus en plus sophistiqués, poussant les sociétés autoroutières comme Vinci, Sanef et leurs filiales Ulys ou Bip&Go à tirer la sonnette d'alarme. Le but de ces escrocs est évidemment toujours le même : vous soutirer de l'argent ou, plus grave encore, vos informations personnelles et bancaires.
Anatomie d'une arnaque bien rodée
Le mécanisme de cette fraude est conçu pour être particulièrement efficace. Les escrocs misent sur un moment de vulnérabilité : un conducteur ayant récemment emprunté une autoroute, surtout en flux libre, sait qu'il doit régulariser son paiement. Recevoir un SMS à ce moment-là peut donc sembler logique et légitime.
Les cybercriminels utilisent des "kits de hameçonnage" préfabriqués pour lancer des campagnes massives. Le message typique contient un objet alarmiste comme "Votre abonnement a été suspendu" ou réclame le paiement d'une petite somme, souvent quelques euros comme 6,80 €, pour un prétendu impayé. Le montant modique est calculé pour que la victime paie sans trop réfléchir, tandis que le ton menaçant (majoration, suspension de permis, etc.) crée un sentiment d'urgence. Le tout est enrobé dans un visuel qui imite parfaitement les communications officielles des opérateurs de télépéage, logos à l'appui.
Les indices qui ne trompent pas pour déceler le piège
Malgré leur apparence soignée, ces tentatives d'hameçonnage comportent plusieurs failles qui permettent de les identifier. Voici les points à vérifier systématiquement :
- L'expéditeur du message : Un SMS frauduleux provient généralement d'un numéro de téléphone portable standard commençant par 06 ou 07. Les communications officielles de Vinci, par exemple, sont envoyées depuis le numéro court 36035 ou sous le nom "VINCI". Pour les e-mails, les adresses officielles se terminent toujours par un nom de domaine vérifié comme @ulys.com, @vinci-autoroutes.com ou @bipandgo.com, et jamais par une adresse générique.
- La formulation : Les escrocs utilisent souvent des salutations vagues comme "Cher client". Un message légitime sera normalement personnalisé avec votre nom. De plus, la présence de fautes d'orthographe ou de grammaire doit immédiatement vous alerter.
- Le lien hypertexte : Le cœur de l'arnaque au péage est le lien sur lequel on vous incite à cliquer. Ne cliquez jamais dessus. Il vous redirigera vers un faux site web, une copie quasi parfaite du site officiel, conçu pour une seule chose : collecter vos données sensibles (numéro de permis, plaque d'immatriculation, et surtout, vos coordonnées bancaires).
L'astuce de vérification ultime reste donc de ne jamais passer par le lien reçu. Connectez-vous toujours directement à votre espace client via le site officiel de votre opérateur pour vérifier l'état de vos factures.
La psychologie derrière l'escroquerie
Si cette arnaque fonctionne aussi bien, c'est qu'elle repose sur une psychologie fine. Les fraudeurs exploitent la confusion créée par les nouveaux systèmes de paiement dématérialisé. Un usager de l'A79 sait qu'il doit s'acquitter de son dû post-passage et sera donc moins méfiant. Les escrocs créent un contexte crédible en envoyant des messages qui semblent correspondre à un trajet récent. Ils jouent sur la peur des sanctions administratives et sur la faible somme demandée pour court-circuiter la réflexion.
Il est bon de rappeler un point fondamental : les services comme Ulys ou Vinci Autoroutes ne gèrent pas directement la régularisation des passages en flux libre. Cette opération s'effectue sur les sites des concessionnaires concernés, comme Sanef pour l'A13 ou Aliae pour l'A79. Tout message d'Ulys vous demandant de régulariser un péage en flux libre est donc par définition une tentative de fraude.
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Que faire si vous êtes tombé dans le panneau ?
Si, malgré votre prudence, vous avez cliqué sur un lien et fourni des informations, il faut agir vite pour limiter les dégâts.
La première étape est de contacter immédiatement votre banque pour faire opposition sur votre carte bancaire. Surveillez attentivement vos relevés de compte dans les jours et semaines qui suivent pour détecter toute transaction suspecte. Il est aussi conseillé de geler votre dossier de crédit pour empêcher les escrocs d'ouvrir de nouveaux comptes à votre nom.
Ensuite, il est nécessaire de signaler l'arnaque. Déposez une plainte sur la plateforme gouvernementale Pharos ou directement auprès de la gendarmerie ou du commissariat de police le plus proche. Pensez également à sécuriser vos comptes en ligne en modifiant tous les mots de passe que vous auriez pu communiquer et en activant l'authentification à double facteur partout où c'est possible. Un scan antivirus de votre téléphone est aussi une bonne précaution pour s'assurer qu'aucun logiciel malveillant n'a été installé.