En naviguant sur le web, vous avez certainement déjà fait face à ce choix : accepter que vos données soient utilisées pour de la publicité ciblée, ou souscrire à un abonnement de quelques euros. Ce mécanisme, appelé cookie wall ou mur de traceurs, est aujourd'tui une réalité bien installée sur de nombreux sites médias français. Pourtant, sa légalité est le résultat d'un bras de fer juridique surprenant qui positionne la France à part en Europe.

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2020, l'année du revirement juridique

Tout commence par une décision capitale du Conseil d’État le 19 juin 2020. Alors que l'autorité européenne de protection des données (le CEPD) et la CNIL s'orientaient vers une interdiction pure et simple des cookie walls, la plus haute juridiction administrative française a pris tout le monde à contre-pied. Elle a jugé que la CNIL ne pouvait pas se fonder sur le RGPD pour poser une interdiction générale et absolue de cette pratique. Cette décision a ouvert la voie à une légalisation des cookie walls en France, sous certaines conditions.

2021, les nouvelles règles du jeu

Suite à cette décision, la CNIL a dû revoir sa copie. Le 1er avril 2021, de nouvelles directives sont entrées en vigueur. Elles imposaient aux éditeurs une transparence accrue et, surtout, l'obligation de rendre le refus des traceurs aussi simple que leur acceptation. C'est ce changement qui a poussé de nombreux acteurs, pour compenser la baisse anticipée des revenus publicitaires, à adopter massivement le modèle du cookie wall : le choix entre le consentement gratuit et l'accès payant.

bandeau cookies conforme RGPD

Exemple de bandeau de cookies conforme recommandé par la CNIL

Payer ou accepter : un choix strictement encadré
Si le cookie wall est donc autorisé en France, il n'est pas sans limites. La CNIL veille au grain pour que le consentement de l'utilisateur reste libre et éclairé. Pour être légale, la pratique doit respecter plusieurs règles : en cas de refus des cookies, l'internaute ne doit pas se voir complètement bloquer l'accès. Si une alternative payante est proposée, son tarif doit être raisonnable et non dissuasif : un prix de quelques euros par mois est généralement considéré comme une contrepartie acceptable.

Comme le précise Maître Debora Cohen, avocate spécialisée en droit du numérique et en propriété intellectuelle : « Si le site souhaite proposer une alternative payante en cas de refus des cookies, la CNIL recommande que le tarif soit raisonnable afin que ce paiement soit une réelle alternative ».

La chasse aux bannières trompeuses

La surveillance de la CNIL ne s'arrête pas au principe du cookie wall. Plus récemment, en décembre 2024, l'autorité a mis en demeure plusieurs éditeurs pour leurs bannières de consentement jugées "trompeuses". Dans son viseur : les designs qui rendent le refus plus compliqué que l'acceptation, par des jeux de couleurs, des polices de caractères ou des formulations ambiguës. Cette action montre que même si le mur de cookies est permis, la manière de le présenter doit rester loyale et transparente pour l'utilisateur.