Le bras de fer entre Nvidia et la Chine s’intensifie. La société américaine a commandé l’arrêt de la production de son accélérateur IA H20, conçue pour respecter les limitations imposées par Washington et être exportée au pays de Xi Jinping.

Pékin a a fait part de sa méfiance vis à vis de ces composants, semant l'incertitude parmi les partenaires industriels de Nvidia, comme Foxconn. Jensen Huang, CEO de l’entreprise, actuellement en déplacement à Taïwan et en visite chez TSMC, se retrouve au cœur d’une bataille industrielle et géopolitique où se mêlent enjeux de sécurité et rivalité technologique.

Les puces H20 stoppées net par Pékin

Selon des informations relayées par plusieurs acteurs du secteur, Nvidia a demandé à ses fournisseurs, dont Foxconn, de suspendre la fabrication des puces IA H20.  Pékin a exprimé des doutes sur leur compatibilité avec ses exigences de sécurité, ouvrant ainsi un nouveau front dans la guerre des semi-conducteurs.

La raison de ce rejet de composants électroniques jusqu'alors très prisés par l'industrie chinoise viendrait des commentaires du secrétaire d'Etat au commerce Howard Lutnick concernant les performances faibles et l'ancienneté de l'architecture.

Nvidia H200

L’impact est significatif pour Nvidia. Les puces H20 représentaient un compromis délicat : suffisamment puissantes pour séduire les entreprises et centres de données chinois, mais limitées pour ne pas contrevenir aux régulations américaines.

Pékin a remis en question cet équilibre fragile, ce qui contraint le groupe américain à revoir sa stratégie commerciale. Pour la Chine, il s’agit d’affirmer un contrôle strict sur ce type de technologie avancée perçue comme sensible et de tenter d'obtenir de meilleurs composants en faisant pression via des négociations commerciales plus larges impliquant l'accès aux terres rares et autres métaux stratégiques.

Des réactions contrastées côté Nvidia

Face à la décision chinoise, Jensen Huang s’est exprimé avec prudence lors de sa visite à Taïwan. Bien qu’il n’ait pas dévoilé les contours exacts de ses projets, ses propos laissent entendre que Nvidia mise avant tout sur la solidité de son écosystème de production et d’innovation, en particulier grâce à ses liens étroits avec TSMC. La société taïwanaise reste en effet son partenaire clé pour la fabrication des processeurs les plus avancés.

TSMC gravure

Les propos de Huang traduisent un dilemme permanent : rester compétitif sur le marché chinois, deuxième plus gros consommateur de semi-conducteurs au monde, tout en respectant les règles imposées par Washington. Pékin, de son côté, semble tester les limites de cette approche hybride, plaçant Nvidia dans une position délicate.

Un enjeu stratégique mondial

Le conflit autour des puces H20 illustre une bataille beaucoup plus large : celle de la domination dans le domaine de l’intelligence artificielle et des processeurs spécialisés.

La Chine représente un marché incontournable pour des entreprises orientées vers les datacenters et le calcul haute performance. Mais chaque tentative de compromis s’expose à des blocages réglementaires. L’initiative de Pékin de geler la circulation de ces semi-conducteurs montre bien sa volonté d’imposer ses propres conditions.

Pour Nvidia, cet épisode réactive une question de fond : comment maintenir une position de leader mondial quand les règles changent constamment ? Cette situation rappelle la fragilité de chaînes d’approvisionnement qui reposent sur la coopération internationale mais qui se retrouvent souvent fragmentées par la rivalité entre États-Unis et Chine.

Quelles conséquences pour l’industrie des semi-conducteurs ?

L’arrêt soudain de la production des puces H20 soulève plusieurs interrogations dans le secteur technologique. Les versions modifiées des accélérateurs IA restent-elles pertinentes à l'heure où les règles changent de mois en mois ?

Nvidia Jensen Huang processeur Projet Digits

Le CEO de Nvidia se démène pour louvoyer entre les attentes et les menaces des uns et des autres, bien conscient du risque d'être remplacé à terme par des alternatives locales. Mais faut pour autant céder sur la fourniture des architectures graphiques les plus récentes quand la sécurité nationale des Etats-Unis est en jeu ?

À moyen terme, certains observateurs estiment que cet épisode pourrait pousser Nvidia à accélérer la diversification de son portefeuille et à réduire sa dépendance vis-à-vis de la demande chinoise.

D’autres y voient le signe d’une redéfinition des rapports de force, où Pékin éprouve la capacité des grandes entreprises américaines à s'adapter à ses règles économiques et sécuritaires.

Un futur incertain mais stratégique

Si Nvidia a choisi de suspendre rapidement la fabrication des puces H20, la véritable question reste la suite. Jensen Huang a insisté sur la nécessité de consolider ses partenariats avec ses fournisseurs et fabricants, laissant entrevoir une réorientation stratégique.

L’avenir immédiat de la H20 paraît compromis, mais cette décision pourrait aussi libérer Nvidia d’une contrainte technique pour se concentrer sur ses meilleures gammes.

Une rumeur a évoqué la conception d'un composant IA sous architecture Blackwell qui pourrait être proposé en Chine tout en répondant aux contraintes imposées par le gouvernement américain pour en limiter la puissance. Et Donald Trump n'y serait pas opposé.

Le bras de fer technologique n’est pas près de s’apaiser. Nvidia sait qu’il doit jongler entre répondre à la demande chinoise et se conformer aux régulations américaines. Au-delà des H20, c’est tout l’avenir de la chaîne de valeur des semi-conducteurs qui se dessine dans un contexte où ni Washington ni Pékin ne semblent prêts à assouplir leurs positions.