Le groupe Nvidia, leader incontesté dans l’accélération de l’intelligence artificielle, a décidé d’investir 5 milliards de dollars dans Intel, géant des processeurs mais en difficulté depuis plusieurs semestres.
L'annonce intervient alors que le gouvernement américain a déjà affirmé son intention d'entrer au capital d'Intel, ce qui soulève des questions de gouvernance et de contrôle du destin de l'entreprise de Santa Clara.
Pourquoi Nvidia mise sur Intel : les raisons derrière un investissement colossal
En injectant 5 milliards de dollars, Nvidia va devenir l’un des plus gros actionnaires d’Intel, détenant désormais plus de 4 % du capital après émission de nouvelles actions.
Cet apport, qui fait suite à une prise de participation de 10 % par le gouvernement américain et une injection de 2 milliards par Softbank, vise à renforcer la position d’Intel dans un contexte de profonde mutation du secteur.
On assiste à la création d’un front commun pour concurrencer des fabricants asiatiques comme TSMC, aujourd’hui principal fournisseur de processeurs Nvidia pour ses applications d’IA et de calcul intensif.
L'entrée au capital s'accompagne d'une promesse de développement conjoint de processeurs pour PC et datacenters mais ne concerne pas l'activité fonderie qui en aurait pourtant bien besoin pour parvenir à se lancer, alors que les techniques de gravure Intel 18A et Intel 14A doivent encore faire leurs preuves.
« Cette collaboration historique lie étroitement l’IA de Nvidia au vaste écosystème x86 d’Intel – un pont entre deux plates-formes d’envergure mondiale. » déclare Jensen Huang, CEO de Nvidia, alors même que la firme développe déjà des processeurs ARM.
Co-développement de puces : quelles avancées pour l’IA et le PC ?
Ce partenariat inédit ne vise donc pas la production immédiate de puces chez Intel pour Nvidia via le service IFS (Intel Foundry Services), mais le co-développement de générations successives de composants pour serveurs d’IA et pour le marché PC. L’accent est placé sur l’intégration étroite des processeurs x86 d’Intel avec les GPU RTX de Nvidia, à travers une architecture reliée par la technologie d'interconnexion NVLink.
Dans le détail, Intel concevrait des processeurs sur-mesure pouvant encapsuler les GPU Nvidia, chaque serveur Nvidia offrant alors à Intel la possibilité de générer des revenus sur un marché en forte croissance, jusque-là réservé aux solutions “full Nvidia”, et un accès au marché de l'IA qui lui a échappé jusqu'à présent.
Cette synergie ouvre la porte à des centres de données combinant IA, puissance de calcul et rapidité de transfert sans précédent mais aussi à des PC de prochaine génération dotés de processeurs Intel et de puces graphiques Nvidia étroitement soudés, apportant un nouvel avantage à Nvidia par rapport à AMD.
Pour l’instant, aucune date de sortie pour les premiers produits n’a été communiquée. Les annonces insistent sur des “générations multiples” à venir, preuve d’un engagement sur la durée.
Ce qui change pour TSMC, AMD et l’écosystème
La mutation engagée par Nvidia n’est pas sans conséquence pour le reste du secteur. TSMC, principal fondeur de Nvidia, voit planer la menace d’un futur déplacement de la production vers les usines Intel, même si ce n’est pas encore à l’ordre du jour.
La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre. Tandis que Nvidia a gagné 3% dans la perspective des retombées de cette nouvelle alliance, l'action AMD a chuté de presque 4% devant le risque d'une concurrence accrue sur le terrain x86 et celle de TSMC a reculé de 2%.
Cette alliance favorise la diversification américaine en semi-conducteurs et la faculté à mutualiser les ressources pour peser face à la concurrence asiatique. Le pacte annoncé ne comporte pas de clause de licence mais un accord commercial de distribution croisée et de co-développement pour les prochaines architectures.
Un nouvel équilibre mondial : vers l’ère des géants collaboratifs ?
En difficulté depuis plusieurs années, Intel trouve dans ces récents rapprochements un nouveau souffle qui pourrait enfin l'aider à rebondir. Sous la direction de son CEO Lip-Bu Tan, Intel opte dorénavant pour des choix industriels dictés par la demande, et se retrouve soudainement fort d’un trésor de guerre sans précédent.
Ces mouvements semblent signaler une volonté de renforcer et densifier l'industrie US des semi-conducteurs face à l'adversité et de profiter de leurs forces communes pour reconquérir un terrain jusque-là laissé aux entreprises asiatiques.
Dans un contexte géopolitique tendu et menaçant, il s'agit de garantir la souveraineté du silicium sur le sol national et de pousser l’innovation de rupture à court terme et à grande échelle.
Des questions subsistent néanmoins. Quels produits concrets émergeront de ce rapprochement ? Le modèle servira-t-il à d’autres rapprochements aussi inattendus ?
Face à la rapidité des annonces et à la discrétion sur certains détails techniques et financiers, la curiosité des marchés reste vive…Il en faudra plus pour mesurer l’impact réel de cette alliance sur le paysage mondial de l’IA et du calcul haute performance.
On notera que l'annonce arrive au moment même où les produits IA Nvidia sont boutés hors de Chine au profit des solutions locales. Alors que Huawei vient de dévoiler une puissante roadmap de composants IA Ascend 950 à 970 pour ces prochaines années, Nvidia cherche sans doute à trouver rapidement de nouveaux débouchés pouvant compenser au moins en partie les pertes qui s'annoncent sur les commandes chinoises.