Face à la prolifération d'un marché noir pour ses composants les plus avancés, Nvidia a décidé de prendre les devants. La firme a développé une nouvelle technologie de vérification de localisation, conçue pour indiquer dans quel pays ses processeurs graphiques (GPU) sont en activité.

Présentée pour l'instant en privé, cette fonctionnalité se matérialisera sous la forme d'un logiciel optionnel que les clients pourront installer pour suivre leur parc de puces.

Une réponse technologique à un enjeu géopolitique

Cette initiative intervient dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées, où la Maison-Blanche et le Congrès américain exigent des mesures concrètes pour empêcher la contrebande de puces IA vers la Chine et d'autres pays visés par des restrictions à l'exportation.

Ces dernières années, le ministère de la Justice américain a multiplié les actions pénales contre des réseaux de contrebande tentant d'acheminer illégalement des centaines de millions de dollars de matériel Nvidia.

Microsoft Azure Nvidia GB300

La solution de Nvidia vise donc à apporter des garanties de conformité. En permettant aux opérateurs de centres de données de surveiller où leur matériel est physiquement utilisé, l'entreprise espère juguler les filières clandestines et prouver sa bonne foi aux régulateurs.

C'est une manière de sécuriser ses chaînes d'approvisionnement et de se prémunir contre les détournements qui nuisent à sa réputation.

Comment fonctionne ce « radar » à puces ?

Le système ne repose pas sur un GPS intégré, mais sur une méthode plus subtile. Il exploite la télémétrie des GPU et les capacités de « confidential computing ».

Concrètement, le logiciel mesure les délais de communication entre une puce et les serveurs de Nvidia pour en déduire une localisation approximative, suffisamment précise pour identifier un pays.

Nvidia Blackwell TSMC USA Arizona

Cette technique doit cependant composer avec les variations du réseau, comme la qualité des câbles ou le nombre de routeurs traversés, qui peuvent fausser les mesures temporelles.

Cette fonctionnalité sera d'abord déployée sur les nouvelles puces de la génération Blackwell. Celles-ci intègrent des fonctions de sécurité renforcées pour un processus clé : l'« attestation », une preuve cryptographique garantissant l'intégrité du matériel et du logiciel.

Pour la Chine, cette annonce soulève toutefois des questions, notamment sur la présence de potentielles backdoors qui permettraient aux États-Unis de contourner les sécurités, une allégation que Nvidia a toujours fermement démentie.

Entre conformité et méfiance, un écosystème en alerte

La démarche de Nvidia pourrait créer un précédent et stimuler un nouveau marché : celui des plateformes de conformité tierces. Les entreprises qui gèrent des parcs de GPU hétérogènes (Nvidia, AMD, Intel) ont besoin d'une visibilité globale pour respecter les restrictions à l'export et les règles de souveraineté des données.

Des concurrents comme AMD et Intel disposent déjà de leurs propres technologies de sécurité, telles que SEV (Secure Encrypted Virtualization) ou TDX (Trust Domain Extensions), qui fournissent des garanties d'isolation et d'attestation.

L'enjeu pour Nvidia est donc de proposer un outil efficace sans donner l'impression d'empiéter sur la sécurité ou la confidentialité de ses clients. La réussite de ce projet dépendra de sa capacité à prouver que sa technologie est une aide à la conformité et non un instrument de surveillance.

La question reste ouverte : cette initiative suffira-t-elle à rassurer les régulateurs tout en maintenant la confiance d'un marché mondial de plus en plus fragmenté ? Et la Chine, désormais plus pointilleuse sur les approvisionnements de puces occidentales, s'accommodera-t-elle d'un tel système ?

Source : Reuters