Confronté à sa pire sécheresse depuis 1976, le Royaume-Uni cherche des solutions pour préserver ses ressources en eau. Aux côtés des appels traditionnels à prendre des douches plus courtes ou à réparer les fuites, le National Drought Group, qui inclut l'Agence pour l'Environnement, a avancé une proposition pour le moins inattendue : supprimer ses vieux emails et photos. « Des choix simples et quotidiens, comme fermer un robinet ou supprimer de vieux emails, aident réellement l'effort collectif », a ainsi déclaré Helen Wakeham, directrice de l'agence.
La logique derrière le conseil : les data centers assoiffés
Pourquoi un tel conseil ? L'idée repose sur un fait avéré : les data centers, ces immenses centres de données qui stockent nos vies numériques (emails, photos, fichiers cloud), sont de grands consommateurs d'eau. Ils ont besoin de quantités colossales d'eau pour refroidir leurs serveurs qui fonctionnent en permanence. Selon une étude de l'Université d'Oxford, un data center de taille relativement modeste peut utiliser jusqu'à 26 millions de litres d'eau par an. En partant de ce constat, la logique du gouvernement britannique est que moins de données à stocker signifie, à terme, moins de serveurs à refroidir, et donc moins d'eau consommée.
Une idée inefficace, voire contre-productive
Si l'intention est louable, l'efficacité de la mesure est largement remise en question. Selon plusieurs experts, l'impact d'un particulier supprimant ses emails serait si infime qu'il pourrait être considéré comme futile. Pire encore, l'action pourrait être contre-productive. En effet, le stockage de données anciennes et rarement consultées consomme très peu d'énergie, les disques durs étant souvent mis en veille. À l'inverse, l'action de rechercher, trier et supprimer ces fichiers sollicite la puissance de calcul des serveurs, ce qui génère de la chaleur et... consomme de l'énergie et de l'eau. De plus, rien ne garantit que les données supprimées soient stockées au Royaume-Uni, l'économie d'eau pourrait donc se faire dans un autre pays.
Les vrais coupables de la soif numérique
Si supprimer ses emails n'est pas la solution, où se cache la véritable consommation d'eau numérique ? La réponse se trouve du côté de l'intelligence artificielle. Alors que le gouvernement britannique ambitionne de développer massivement ce secteur, des études récentes, comme celle de la société française Mistral AI, montrent que l'IA est une technologie particulièrement gourmande. La génération d'une seule page de texte par une IA peut consommer environ 45 millilitres d'eau. Multiplié par des millions d'utilisateurs, l'impact devient considérable et sans commune mesure avec celui du stockage de quelques emails.
Les gestes qui comptent vraiment
Finalement, les gestes les plus efficaces pour économiser l'eau restent les plus concrets. Le même rapport du gouvernement britannique rappelait d'ailleurs des conseils bien plus pertinents :
- Prendre des douches plus courtes.
- Utiliser l'eau de pluie pour arroser les plantes.
- Réparer une fuite des toilettes, ce qui peut gaspiller entre 200 et 400 litres d'eau par jour.
Ces actions ont un impact direct et mesurable, bien loin de l'effet anecdotique de la suppression d'un vieil email.