Ce fut une guerre éclair. Vingt-et-un jours seulement après avoir lancé une offensive judiciaire contre son principal partenaire, Strava a fait une retraite précipitée. La plainte pour violation de brevet, qui visait directement les appareils Garmin, a été volontairement retirée, laissant l'industrie de la tech sportive perplexe face à ce qui ressemble à une erreur stratégique majeure.
Pourquoi cette offensive juridique a-t-elle été lancée ?
Le 30 septembre 2025, Strava avait secoué le monde du sport connecté en attaquant Garmin, l'accusant de violer deux de ses brevets clés : l'un concernant les cartes de chaleur (heatmaps) et l'autre les segments en direct (Live Segments). L'entreprise a en effet déposé une plainte pour violation de brevet accusant Garmin de copier ses fonctionnalités phares, et demandait ni plus ni moins que l'arrêt de la commercialisation des produits concernés, ce qui incluait la quasi-totalité des montres et compteurs de vélo de la marque.
Cette démarche a immédiatement surpris les observateurs, tant sur le plan technique que stratégique. Les brevets en question étaient jugés peu solides par de nombreux experts, et le risque de les voir invalidés par un tribunal était bien réel.
Comment la relation entre les deux géants a-t-elle été affectée ?
En s'attaquant à Garmin, Strava ne visait pas n'importe quel concurrent, mais bien la pierre angulaire de son propre modèle économique, un partenariat technologique vieux de près de quinze ans. Les appareils Garmin représentent la plus grande source d'activités téléchargées sur la plateforme et, par conséquent, la part la plus significative de ses abonnements payants. Couper ce lien aurait été suicidaire.
Selon des sources internes, Garmin n'aurait montré aucune intention de céder. Fort d'une bibliothèque de brevets bien plus vaste et d'un historique quasi parfait en matière de litiges, le géant des GPS aurait fait comprendre à Strava qu'une contre-offensive serait dévastatrice. Le message envoyé en coulisses a dû être d'une clarté glaciale, poussant Strava à un retrait sans condition.
Quelles conséquences pour l'avenir de Strava ?
La manœuvre, jugée maladroite, visait peut-être à rassurer les investisseurs avant sa future introduction en bourse prévue pour 2026, en démontrant la valeur de sa propriété intellectuelle. Cependant, l'effet produit est tout l'inverse : cette affaire a mis en lumière la dépendance extrême de Strava vis-à-vis de Garmin et a soulevé des doutes sur la capacité de son équipe dirigeante à piloter l'entreprise.
Pendant ce bref conflit, Garmin n'est pas resté inactif. La marque a renforcé ses liens avec des concurrents directs de Strava, comme Komoot, signalant qu'elle n'hésiterait pas à diversifier ses partenaires. Pour Strava, la confiance est rompue. L'entreprise a non seulement échoué dans son offensive, mais a aussi poussé son allié le plus précieux dans les bras de la concurrence, tout en fragilisant sa propre position au sein de l'écosystème Garmin.