Ce qui devait être une annonce majeure ce lundi s'est transformé en un silence assourdissant. La sanction de l'Union européenne concernant l'abus de position dominante de Google dans le secteur des technologies publicitaires (« adtech ») a été mise en pause. Selon des informations du média spécialisé MLex, Google avait même été prévenu vendredi de l'imminence de la décision. Pourtant, au dernier moment, tout a été stoppé, sans qu'une nouvelle date ne soit fixée.

drapeau UE

Guerre interne à la Commission européenne

La décision de suspendre la procédure n'est pas venue de nulle part. Elle serait le fruit d'une intervention directe et très inhabituelle du commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič. Alors que la commissaire à la Concurrence, Teresa Ribera, s'apprêtait à dévoiler sa première sanction d'envergure contre un géant de la tech, son collègue aurait « appuyé sur le bouton rouge » durant le week-end, court-circuitant le processus.

Cette manœuvre interne aurait été encouragée par une communication du ministère américain de la Justice (DoJ). Dans un courriel qualifié de « constructif », Washington aurait suggéré de repousser l'annonce pour ne pas mélanger les dossiers antitrust et les discussions commerciales en cours. Une proposition que les équipes de Teresa Ribera auraient initialement déclinée, préférant maintenir le calendrier.

Un enjeu commercial bien plus vaste

Le véritable nerf de la guerre se situe dans les négociations commerciales sensibles entre l'Union européenne et les États-Unis. Un accord politique a été trouvé fin juillet pour apaiser les tensions, prévoyant notamment une baisse significative des droits de douane américains sur les voitures européennes. Les responsables craignent qu'une sanction européenne contre une entreprise américaine emblématique comme Google ne soit perçue comme une provocation par la Maison Blanche et ne fasse capoter ces avancées fragiles.

La crainte d'une réaction imprévisible de l'administration Trump, connue pour son usage facile des barrières douanières, aurait ainsi primé. La situation illustre le dilemme constant de Bruxelles, tiraillé entre l'application de ses propres lois et la préservation de ses relations diplomatiques et commerciales avec Washington.

Google

L'empire publicitaire de Google dans le viseur

Le dossier « Google adtech » est une affaire de longue haleine. Ouverte en 2021, l'enquête de la Commission européenne soupçonne Google de profiter de sa présence sur toute la chaîne de la publicité en ligne pour favoriser ses propres services au détriment de ses concurrents, des annonceurs et des éditeurs. En juin 2023, les griefs communiqués par Bruxelles étaient particulièrement sévères, évoquant des remèdes pouvant aller jusqu'à la vente forcée d'une partie des activités publicitaires de l'entreprise.

Cette enquête européenne se déroule en parallèle d'une procédure similaire aux États-Unis, où la justice a déjà jugé que Google avait monopolisé illégalement certains marchés publicitaires. Le DoJ y réclame également un démantèlement partiel de ses services.

Démenti officiel et avenir incertain

Face à ces révélations, la Commission européenne a officiellement démenti tout report, affirmant simplement que « l'enquête est en cours ». Interrogé sur son rôle, Maroš Šefčovič a assuré de son côté soutenir pleinement l'enquête menée par sa collègue : « Je tiens à souligner que je soutiens pleinement l’enquête en matière de concurrence contre Google ».

Cette communication officielle contraste fortement avec les fuites détaillées sur les événements du week-end. Le sort de la sanction reste donc en suspens. Personne ne sait quand elle pourrait refaire surface, laissant Google gagner un temps précieux et l'Europe s'interroger sur l'indépendance de ses décisions.

Source : MLex