La nouvelle est tombée, tranchante comme un couperet : Stellantis tire un trait sur son ambitieux projet de véhicules à hydrogène. Production en série des nouveaux utilitaires Pro One stoppée avant même d’avoir démarré (mauvaise nouvelle pour le site français de Hourdain), gammes entières abandonnées, et une filière qui vacille.

Le constructeur invoque l’absence de réseau de recharge, des coûts vertigineux et un marché trop restreint. Pour Symbio – principal acteur de la pile à combustible en France et fournisseur-maison – le ciel s’assombrit : plus de 80% de son business dépendait du géant automobile, aujourd’hui décidé à mettre tous ses efforts sur l’électrique et l’hybride. Un coup dur pour ceux qui voyaient encore l’hydrogène comme le grand rival de la batterie.

Hydrogène : entre illusions de masse et réalité économique

L’hydrogène a longtemps occupé la place du carburant miracle. Sur le papier, de sérieux atouts : des véhicules rapides à recharger, zéro émission au pot d’échappement et une certaine aura d’innovation.

Sauf qu’en pratique, la réalité cloche : l’infrastructure fait défaut, les stations de remplissage se comptent sur les doigts d’une main et le coût du développement pèse lourd sur les bilans financiers.

Chez Stellantis, la coupe est pleine – le groupe considère que le secteur reste un « segment de niche, sans perspective de rentabilité à moyen terme ».

Jean-Philippe Imparato, directeur des opérations pour l’Europe, l’explique sans détour : « Le marché de l'hydrogène reste une niche, sans perspectives de viabilité économique à moyen terme. »

Il acte une bascule stratégique en affirmant vouloir faire des choix « clairs et responsables pour garantir la compétitivité » de la marque, en misant sur une offensive électrique et hybride bien plus concrète.

Symbio et la chaîne de valeur prise de court

Le coup de frein décidé par Stellantis ne tombe pas sans secousses pour ses partenaires, en particulier Symbio – géant français de la pile à combustible et co-entreprise pilotée aussi par Michelin et Forvia.

Pour Symbio, le choc est rude : 80% de son chiffre d’affaires provenait des commandes Stellantis, et des centaines d’emplois sont concernés en France comme aux États-Unis.

Tout le modèle industriel de la gigafactory de l’Est français, inaugurée en 2023, se retrouve remis en question. La surprise est grande et les conséquences peuvent être « sérieuses tant sur le plan opérationnel que financier ».

Les équipes dirigeantes de Stellantis se veulent rassurantes sur l’emploi au sein de leurs usines : pas de licenciements prévus sur la production, tandis que la R&D hydrogène sera réorientée.

Les discussions avec les partenaires de Symbio sont ouvertes pour limiter la casse et sauvegarder ce qu’il reste du savoir-faire « hydrogène made in France ».

Pourquoi l’hydrogène cale face à l’offensive électrique ?

La complexité de l'infrastructure d'approvisionnement en hydrogène et les manipulations constituent des freins à différents niveaux et faire un "plein" d'hydrogène peut prendre du temps tout en nécessitant des températures très basses.

Comparer ça à une recharge électrique rapide ou, mieux, à un plein d’essence classique, c’est tout sauf convaincant. Côté rendement, le carburant hydrogène affiche un score décevant : produire le gaz consomme beaucoup d’énergie en amont, sa distribution demande des moyens coûteux et, surtout, l’essentiel de l’hydrogène commercial provient toujours des hydrocarbures – loin d’être climato-compatibles, même si des efforts pour produire de l'hydrogène "vert" (à partir d'énergies renouvelables) ou via des centrales nucléaires (pour de l'hydrogène "jaune" bas carbone) reste un objectif des stratégies énergétiques, dont celle de la France.

Résultat : même les défenseurs de la pile à combustible sont contraints de ravaler leur optimisme face à l’essor des vans électriques et hybrides. L’adoption massive de l’hydrogène s’éloigne, au moins jusqu’à la prochaine décennie.

La messe est-elle dite pour l’hydrogène sur les routes européennes ? Rien n’est irrévocable, mais la météo reste bien grise… en attendant un éventuel retour en grâce.

Du côté de l'aviation aussi, l'avenir de l'hydrogène reste compliqué : Airbus a récemment annoncé le report de ses projets d'avions à hydrogène à au moins 2040, faute de trouver l'équation économique adaptée.