Introduction

DVB H logo La TV Mobile fait généralement l'objet de prévisions très optimistes de la part des analystes quant à sa capacité à canaliser les revenus publicitaires. Deux formes de TV Mobile sont amenées à coexister : celle diffusée par l'intermédiaire des réseaux mobiles 3G / HSPA et l'autre, à venir, via un réseau de diffusion hertzien, à l'image de la TNT reçue par les décodeurs domestiques ( format DVB-T ) mais selon une norme spécialement adaptée à un usage mobile ( format DVB-H ).

Les deux aspects ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais c'est clairement la seconde forme, qui se dessine sous le nom de TMP ( Télévision Mobile Personnelle ) qui devrait, à terme, en devenir l'expression dominante. Cependant, les conditions de sa mise en service, aussi bien techniques que réglementaires, nécessitent encore bien des éclaircissements.

Heureusement, les choses avancent. L'Europe s'est prononcée en faveur d'un standard commun, le DVB-H, en 2007, ce qui a permis aux Etats-membres de lancer des phases de soutien au niveau national. Certains pays, comme l'Italie, ont ouvert la voie, mais pour beaucoup le chantier est important avant de proposer une offre concrète.

Le CSA ( Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ) vient de décider des chaînes qui pourront diffuser sur un premier bouquet de 16 canaux, donnant de la consistance et de la visibilité à l'ensemble de la TMP. Mais déjà se profile le problème du modèle économique et la concurrence involontaire du DVB-T, avec des composants désormais capables d'être intégrés dans des téléphones portables.

Deux types de TV Mobile

L'expérience de la TV Mobile, à savoir la consultation de canaux télévisés dédiés depuis un téléphone portable, est déjà une réalité. L'avènement des réseaux mobiles 3G a apporté les performances nécessaires pour assurer la diffusion d'un flux vidéo sur mobile dans une qualité acceptable.

Les trois opérateurs mobiles historiques rivalisent de bouquets et d'offres thématiques pour de la télévision en diffusion directe ou en VOD, sous forme d'options payantes ou directement intégrées dans des forfaits spécifiques, permettant de visionner des chaînes généralistes ou des programmes spécialement calibrés pour une utilisation sur mobile, avec des programmes courts et des plans de caméra adaptés pour un visionnage sur petit écran.


Diffusion unicast
Reposant sur l'infrastructure des réseaux 3G, cette forme de TV Mobile ne nécessite aucun déploiement supplémentaire et fonctionne sur tout mobile compatible 3G. La question de l'accès à la TV Mobile par réseau 3G n'est donc qu'une question de couverture et d'adhésion à un forfait.

Cependant, cette force est aussi sa faiblesse. En passant par les réseaux cellulaires, chaque utilisateur souhaitant regarder la TV sur son téléphone consomme une partie de la bande passante disponible et cette ressource est limitée par la capacité de la station de base auquel il est relié à la traiter.

Chaque station-relais ne peut donc accueillir qu'un nombre limité d'utilisateurs par stations de base, avec le risque d'une saturation dans les zones à forte densité urbaine. Ce mode de gestion des utilisateurs sur les réseaux mobiles est appelé diffusion unicast, correspondant à un canal attribué pour un utilisateur, dans la limite des canaux disponibles.

unicast broadcast

Comparaison unicast / broadcast (credit Forum de la Télévision Mobile)

Diffusion broadcast
A l'inverse, l'autre forme de diffusion télévisée sur mobile repose sur un mode broadcast, à savoir qu'un émetteur peut répondre à la demande d'un nombre indéfini de récepteurs dans sa zone de couverture, comme dans le cas de la télévision traditionnelle.

Si le nombre d'utilisateurs potentiels est beaucoup plus important que dans le cas d'une diffusion unicast, plusieurs problèmes doivent d'abord être contournés, parmi lesquels la norme à utiliser, le choix des fréquences à attribuer, la construction du réseau de diffusion et la mise à disposition de récepteurs adéquats...et il ne s'agit ici que d'interrogations d'ordre technique.

La nécessité d'une harmonisation de toutes ces problématiques a fait l'objet de nombreux débats entre les différents acteurs ( équipementiers, fabricants de terminaux, fournisseurs de services ), les associations de consommateurs et les pouvoirs publics, sur fond d'attente d'une direction confirmée par Bruxelles. Celle-ci est venue sous la forme du choix du DVB-H comme norme privilégiée pour la TMP.

DVB-H, la norme attendue

Le début du XXIe siècle a été marqué par une compétition entre plusieurs standards de diffusion télévisée sur mobile en mode broadcast, d'autant plus serrée que les enjeux économiques et financiers étaient énormes. Pour ainsi dire, trois blocs économiques se sont engagés dans cette bataille d'influence : l'Europe avec la norme DVB-H ( Digital Video Broadcast-Handheld ) dérivée du DVB-T ( T pour Terrestrial ) utilisé dans les décodeurs TNT et soutenue par Nokia, les Etats-Unis avec le standard MediaFLO, mis au point par Qualcomm (même si un groupe de promotion du DVB-H s'est rapidement mis en place ) et l'Asie, représentée notamment par le T-DMB mis en avant par Samsung.

Ici encore, chaque modèle a ses avantages et ses inconvénients techniques et économiques. La norme T-DMB a été rapidement mise en place avec succès en Corée du Sud sur un modèle de distribution gratuite, lui donnant l'avantage d'une maturation accélérée et d'infrastructures et de terminaux disponibles.


Le DVB-H se démarque en Europe
En Europe, Nokia, sous la casquette de l'équipementier, a rapidement proposé des solutions à base de DVB-H utilisées dans nombre de pilotes destinés à valider le modèle technique dans les années 2002-2004, tandis qu'aux Etats-Unis, Qualcomm s'est rapproché de certains opérateurs et diffuseurs pour sa solution MediaFLO et a tenté d'exporter la technologie vers des pays comme Taiwan.

ETSI logo Pour les pays européens, la norme DVB-H a progressivement été progressivement privilégiée. D'abord parce qu'elle dérive directement du standard DVB-T déjà déployé pour la TNT et qu'elle a été validée par l'ETSI en 2004, facilitant la conception de chipsets en reprenant une partie des constituants du DVB-T, ensuite parce que ses caractéristiques assurent une qualité de réception en déplacement et une faible consommation d'énergie grâce un mode dit de Time Slicing, qui se traduit par une transmission de données selon un mode discontinu, le récepteur étant au repos entre de courtes périodes d'activité.

La nature ouverte du standard et sa flexibilité sont également des points non négligeables, offrant une grande souplesse dans la conception des architectures réseau et la possibilité de réutiliser une partie des équipements DVB-T.


Cas du DVB-SH
Mais parallèlement au DVB-H s'est également développée une variante apportant une réponse à deux contraintes de la diffusion de la TV Mobile : la couverture et la réception du signal dans les bâtiments. Car mettre en place un réseau d'émetteurs est lent et coûteux, d'où l'idée soumise par Alcatel d'utiliser un satellite pour assurer une large couverture, à l'échelle d'un pays.

Ce concept a été soutenu comme l'un des projets de l' Agence de l'Innovation Industrielle ( AII ) au sein du projet TMSL ( Télévision Mobile Sans Limite ) et a permis l'émergence d'un standard annexe DVB-SH combinant une diffusion par satellite dans la bande S et un réseau de répéteurs terrestres, qui a donné lieu depuis à des expérimentations techniques confirmant l'intérêt d'un tel système.

Il pourrait intéresser plusieurs pays en dehors de l'Europe, notamment ceux ne pouvant compter sur un réseau terrestre développé ou souhaitant couvrir de vastes étendues, comme le Brésil ou la Chine. Des démonstrations au cours de différents salons ont montré que cette technique était déjà éprouvée.

Des décisions nécessaires

drapeau europeen Si le DVB-H semble être un bon point de départ pour développer des services de télévision mobile en diffusion broadcast, chaque pays européen a testé les différents standards, tandis que d'autres, en Europe ( Italie, Finlande ) ou pas ( Vietnam, Malaisie, Inde ) se sont lancés dans la commercialisation de services DVB-H.

Toutefois, il est vite apparu qu'il serait plus intéressant que l'ensemble de l'Europe se mette au diapason d'une unique norme plutôt que de se transformer en un patchwork de standards incompatibles entre eux. Mais plutôt que d'imposer d'emblée une norme, la Commission européenne a préféré laisser les industriels tester les différentes solutions avant de se prononcer sur un consensus.


Harmoniser au plan européen puis mondial
L'objectif clairement affiché était de se mettre d'accord sur un standard commun à l'Europe et de permettre aux entreprises d'en développer les opportunités pour établir un standard fort pouvant être étendu à d'autres régions du monde. Autrement dit, tenter de renouveler l'expérience du GSM, parti d'Europe et qui représente désormais 80% des réseaux de téléphonie mobile.

D'où la nécessité de faire les bons choix dès le départ et ensuite de prévoir un calendrier pour une mise en oeuvre rapide. Dans les faits, les retards se sont pourtant accumulés, laissant planer les incertitudes sur de nombreuses questions, comme la gestion des droits de diffusion audiovisuelle, le modèle économique ( gratuit ou payant ), le choix des acteurs et des fréquences, etc.

Si les expérimentations avaient montré la pertinence du choix technique, c'est tout le reste de la chaîne qui attendait maintenant une approbation de la Commission européenne pour engager la suite des discussions.


2007, année-charnière pour la TV Mobile en DVB-H
C'est à partir de 2007, avec un peu de retard sur les prévisions que la Commission européenne commence à donner une orientation en faveur du DVB-H, sous l'impulsion de la commissaire européenne Viviane Reding, favorable à ce standard.

Le mois de juillet 2007 confirme la tendance du choix du DVB-H, considéré comme la norme " la plus apte pour un déploiement européen de la TV Mobile ", sans que les multiples problèmes annexes ( gestion des droits, modèle économique, attribution des fréquences ) soient traités, ce qui inquiète les spécialistes, d'autant plus que les premiers retours d'expériences commerciales de TV Mobile sont mitigés : qualité des programmes proposés, faible choix des terminaux, prix des services sont autant de freins à son succès.

Cette prise de position de la Commission européenne est cependant suffisante pour permettre aux Etats-membres de donner le coup d'envoi de la TV Mobile. En France, le choix en faveur du DVB-H est confirmé en septembre 2007, permettant de préparer l'arrivée des diffuseurs que le CSA ( Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ) aura à charge de sélectionner.

On espère alors être en mesure de lancer un réseau commercial pour le mois de juin 2008, à partir duquel les événements sportifs s'enchaînent : Euro 2008 et Jeux Olympiques de Pékin 2008, deux moments parfaits pour diffuser des images sur mobiles.


Accélération des décisions

CSA logo Le CSA a lancé un appel à candidatures en novembre 2007 pour déterminer qui profitera du premier bouquet de 13 canaux proposés ( et 3 canaux pour les chaînes du service public ).

Enfin, le DVB-H est validé en tant que norme de l'Union Européenne le 17 mars 2008, obligeant les Etats-membres à la promouvoir au niveau national. Pour finir, le CSA a dévoilé au mois de mai 2008 les noms des 13 candidats retenus en France pour un premier bouquet : BFM TV, Canal+, Direct 8, EuropaCorp, Eurosport, I-Télé, M6, NRJ 12, NT1, Orange Sport, TF1, Virgin 17 et W9, auxquels il faut rajouter les 3 chaînes France 2, France 3 et Arte.

Cependant,  il apparaît désormais qu'il faudra attendre la fin 2008 voire le début 2009 pour lancer les premières diffusions au standard DVB-H. D'autre part, la zone de couverture ne  touchera dans un premier temps que les grandes agglomérations, les contraintes étant d'obtenir une couverture de 30% de la population  trois ans après le démarrage des services, et de 60% au bout de six ans.

Les terminaux

Pour être en mesure de recevoir la télévision mobile en diffusion broadcast, il faut disposer d'un terminal adapté embarquant un chipset dédié. Parmi les fournisseurs de ce type de solution, on trouve des sociétés comme le fondeur Freescale ou le français DibCom, très impliqué dans les divers aspects de cette technologie.

Presque tous les grands fabricants de terminaux ont proposé des téléphones portables dotés de la fonctionnalité DVB-H à des fins de démonstrations et pour les premiers marchés disposant d'un réseau commercial.

Nokia N92 Nokia N77 DVB H
Nokia N92 ; Nokia N77

Dès la fin 2005, Nokia lançait le Nokia N92, terminal Nseries à écran pivotant permettant de regarder la TV Mobile en DVB-H sur un affichage au format paysage. Il a été suivi en 2007 par le Nokia N77, un téléphone au format plus traditionnel et cherchant à simplifier les manipulations.

  MWC 2008 Nokia N96 03

Nokia N96

Début 2008, Nokia a présenté le Nokia N96, son nouveau flagship embarquant un maximum de fonctionnalités, dont une puce DVB-H et une petite béquille à l'arrière pour le poser sur une table.

Sagem myMobileTV

Sagem MyMobileTV

Dans le même temps, Sagem a présenté le MyMobileTV, mobile avec affichage rotatif à l'aide d'une charnière et déjà doté d'un accéléromètre lui permettant de faire basculer l'affichage de paysage à portrait et inversement selon l'inclinaison du terminal.

Samsung Ultra MobileTV Samsung Ultra MobileTV

Samsung Ultra Mobile TV

Samsung a également ses mobiles DVB-H, comme le modèle Ultra Mobile TV, présenté en 2007, et une série de mobiles à écran rotatif, de même que LG. Même les PDAPhones s'y sont mis, comme le Gigabyte T600 ou l' Eten Glofiish V900.

Gigabyte GSmart t600 MWC 2008 Eten V900 02

Gigabyte T600 ; Eten Glofiish V900

Ces deux derniers modèles sont d'ailleurs équipés d'un chipset DVB-H / DVB-T, une tendance qui semble s'accélérer avec les avancées techniques, rendant les puces DVB-T toujours plus compactes et moins gourmandes, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes concernant la visibilité du DVB-H.

Mais l'économie du DVB-H ne repose pas que sur les téléphones. On pourra retrouver cette fonctionnalité dans des baladeurs multimédia ou des PND. Actuellement, l'intégration a déjà commencé, mais avec des puces DVB-T.